Capricorn One : farce attaque

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Capricorn One : farce attaque

Disclaimer : je n’adhère pas au complotisme. Il m’arrive de mettre en doute certains faits établis, d’y réfléchir, mais le complotisme a eu et a encore des conséquences néfastes dans la marche de l’Histoire de l’humanité. En revanche, quand certaines de ces théories sont utilisées à bon escient, dans des films ou séries télé, avec créativité, c’est tout bénéfice. C’est le cas de Capricorn One.

X-Files est LA série télé qui a remis au goût du jour la théorie du complot mondial sur la présence des extra-terrestres sur notre planète. Usant avec génie des doutes et jouant sur les peurs et les fantasmes des téléspectateurs, les aventures de Mulder et Scully sont fascinantes. On a l’impression de faire partie des happy-few qui savent (« nous sachons »)

Mais elle n’est pas la première oeuvre audiovisuelle qui a usé de cet outil narratif que sont les théories de complot. Capricorn One non plus, mais ce film est pour moi le meilleur exemple du mélange entre SF et thriller paranoïaque qui a fleuri dans les années 70.

Capricorn One est un film écrit et réalisé par Peter Hyams (qui réalisera plus tard – coïncidence ? – 2010, la suite de 2001 : L’Odyssée de l’Espace de… Stanley Kubrick !) en 1977, qui surfe sur la conquête spatiale et la théorie complotiste la plus diffusée à cette période : Neil Armstrong et Buzz Aldrin n’auraient jamais réalisé l’alunissage en 1970, et Stanley Kubrick aurait réalisé le film en studio.

Médiabug

Revenons au coeur du sujet, le film : Capricorn One raconte l’histoire de la nouvelle étape de la conquête spatiale en pleine Guerre Froide, envoyer des hommes sur Mars. Trois astronautes sont sélectionnés pour cette mission, campés par Sam Waterston, James Brolin (le papa de Thanos) et… OJ Simpson (coïncidence ? bon, ok, j’arrête).

Mais très vite, les ingénieurs de la NASA se rendent compte que la capsule est bourrée de défauts et ne parviendra pas à remplir la mission. Pour ne pas perdre la face, ni l’argent, l’Agence décide de procéder à l’opération malgré les risques, à un détail près : le vol sera officieusement inhabité.

En effet, quelques secondes avant le décollage de la fusée, les astronautes n’embarquent pas et sont ex-filtrés vers une base dans le désert. Et dans cette base se trouve… un studio de télévision avec un décor martien. Quelques mois plus tard, sans avoir pu communiquer à l’extérieur ni avoir vu leurs familles respectives, les astronautes sont contraints de «jouer» les premiers pas sur Mars dans ce studio.

L’honneur (et le financement) de la NASA et des États-Unis sont saufs, pas de mauvaise publicité. Mais voilà, lors de son retour sur terre, la capsule explose. Les trois astronautes sont officiellement morts. Figures médiatiques reconnaissables, ils réalisent très vite que leurs heures sont comptées. Ils vont devoir s’évader pour rester en vie. S’ensuit alors une course poursuite dans le désert pour chacun d’entre-eux, chassés par tous les agents de la NASA et d’autres entités.

En parallèle, un journaliste d’investigation, campé par l’excellent Elliott Gould soupçonne un coup monté depuis le début. Il décide de mener l’enquête. Je ne peux pas en dire plus sans spoiler le film.

La paranoïa pour exorciser ses démons

On pourrait dire, avec nos yeux d’aujourd’hui, qu’il s’agit d’un thriller maintes et maintes fois vu et revu, mais il faut replacer ce film dans son contexte historique. Les USA sortent de deux décennies traumatisantes pour l’opinion publique : la crise des missiles de Cuba, l’assassinat de JFK, de Martin Luther King, jr et de Robert Kennedy, la défaite (très mal vécue et acceptée) au Vietnam et le Watergate.

Les américains n’ont plus confiance en leurs autorités et les théories complotistes gagnent du terrain un peu partout. C’est la fin de l’innocence. Et tout devient crédible. Si un président peut être assassiné, si un autre peut écouter clandestinement ses adversaires en pleine campagne, pourquoi la NASA n’aurait-elle pas pu mentir au sujet d’Apollo XI (l’alunissage) ?

Peter Hyams en joue parfaitement, en piochant dans les meilleurs films de l’époque, comme Les Hommes du Président pour la partie « enquête journalistique », dans 2001 pour certains mouvements de caméra et la partie « martienne ». Le film arrive à faire douter. Une fois de plus, le cinéma montre que le monde n’est qu’une gigantesque scène de théâtre dont nous ne serions que les personnages impuissants.

Comme les astronautes de la mission Capricorn One. Des marionnettes. Qui vont décider de couper les fils pour tenter de reprendre le cours de leurs vies. Capricorn One est un film de réaction à tout ça.

Heureusement, Peter Hyams ne tombe pas dans le thriller sombre et déprimant. Il a eu l’intelligence d’ajouter de l’humour avec la présence du charismatique et cool Elliott Gould et l’apparition du génial Telly Savalas, dont les échanges sont hilarants et permettent d’apporter un peu de respiration dans cette course-poursuite étouffante comme le désert. À noter qu’une des cascades du film a été réutilisée de nombreuses fois dans diverses séries télé, tant elle était spectaculaire pour l’époque.

Mars en mire

Pourquoi ce film résonne aussi aujourd’hui : parce que le voyage sur Mars n’a jamais paru aussi proche et palpable.

Mais il résonne aussi et surtout par l’explosion des théories complotistes qui pullulent sur les réseaux sociaux, ces derniers temps, et qui sont en train de mettre en danger la cohésion qui devrait régner dans nos pays. Si ces histoires peuvent être, pour certaines, un excellent carburant pour la création littéraire et audiovisuelle, elles peuvent avoir des conséquences extrêmement fâcheuses (on se souvient du « Pizzagate » et on voit jusqu’où peuvent aller les personnes sensibles aux théories Qanon, comme l’affaire de l’enlèvement de la petite Mia e France en avril 2021, dont le fil n’a vraisemblablement pas fini de se dérouler…)

On a le droit de douter, mais il faut en prendre tous les éléments, les mettre totalement à plat et voir si de telles théories sont applicables d’une part, et si elles servent vraiment ceux qu’on accuse de comploter. C’est ça, l’esprit critique, finalement, et Capricorn One, au delà du divertissement cinématographique, permet d’avoir un regard sur le contexte de naissance de ces histoires.

Capricorn One est disponible en DVD mais malheureusement pas en Blu-ray dans notre région.

Max-David Grinbaud

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