Google Maps permet désormais de suivre une personne en temps réel

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Google Maps permet désormais de suivre une personne en temps réel

Google a franchi un nouveau cap en intégrant à son application Google Maps une fonctionnalité de géolocalisation en temps réel. Désormais, il est possible de partager sa position en direct avec un contact de confiance et de lui permettre de suivre vos déplacements sur la carte, minute par minute. Présentée comme une avancée pratique pour rester connecté à ses proches et améliorer sa sécurité personnelle, cette nouveauté technologique suscite toutefois un débat intense. Derrière l'aspect séduisant du partage de position instantané se profilent des questions sensibles de vie privée et de surveillance numérique. Cet article propose un regard critique sur cette fonctionnalité de suivi en temps réel : comment fonctionne-t-elle, quels sont ses atouts, et surtout quels risques de dérives technologiques et d'atteintes à la vie privée peut-elle engendrer ?

Comment fonctionne le partage de position en temps réel sur Google Maps ?

Google Maps, utilisé par plus d'un milliard de personnes chaque mois, a déployé en mars 2017 une mise à jour permettant d'envoyer sa localisation précise à d'autres utilisateurs en quelques tapotements d'écran. Concrètement, l'utilisateur ouvre le menu de l'application (ou appuie sur le point bleu qui symbolise sa position sur la carte) et sélectionne l'option " Partager ma position ". Il peut alors choisir un ou plusieurs contacts avec qui partager ses coordonnées, ainsi que la durée pendant laquelle il souhaite être localisé en temps réel (quelques minutes, plusieurs heures, ou même en continu jusqu'à désactivation manuelle). Une fois le partage activé, le ou les destinataires reçoivent un lien privé leur permettant de voir en direct sur leur propre carte la position et les déplacements de la personne. À tout moment, l'utilisateur peut interrompre le partage s'il le souhaite, d'un simple geste dans l'application.

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Google a également intégré cette fonction de suivi à son mode navigation : lors d'un trajet, on peut partager la progression du voyage et son heure d'arrivée estimée avec un proche, qui suivra en direct le parcours jusqu'à destination. Dans ce cas, le partage se termine automatiquement une fois le trajet achevé, évitant d'oublier de le couper. Par ailleurs, un petit icône apparaît sur l'écran de Google Maps tant que la localisation est partagée, pour rappeler à l'usager qu'il est visible en temps réel. Google insiste sur le fait que l'on " peut changer d'avis et arrêter à tout moment de partager [sa] localisation, c'est entièrement [notre] choix ". En d'autres termes, la maîtrise de l'outil est supposée rester entre les mains de l'utilisateur.

Notons que cette possibilité de localisation en direct n'est pas totalement inédite. Dès 2009, Google proposait un service nommé Latitude qui permettait déjà de partager sa position en continu avec ses proches, voire publiquement. Ce service a été abandonné en 2013 et ses fonctionnalités ont été intégrées progressivement à Google Maps. De même, d'autres entreprises technologiques avaient déjà lancé des fonctions similaires : par exemple, Apple dispose de " Localiser mes amis " sur iPhone, et en 2017 Facebook a introduit le partage de localisation en direct dans Messenger. Google s'inscrit donc dans une tendance plus large, celle d'une géolocalisation sociale de plus en plus répandue.

Une fonctionnalité pratique qui séduit par sa sécurité et sa convivialité

Sur le papier, le partage de position en temps réel présente de réels atouts pratiques. Google a d'ailleurs présenté cette nouveauté comme un service destiné à " faciliter la vie de nombreux utilisateurs ". Les exemples mis en avant ne manquent pas de souligner son utilité : grâce à Google Maps, des parents inquiets peuvent savoir en un clin d'œil où se trouvent leurs enfants, des amis peuvent vérifier que chacun est bien rentré après une soirée, et des personnes qui se retrouvent dans un lieu bondé peuvent aisément localiser leurs proches dans la foule. Plus besoin de passer de coup de fil stressant pour dire " Je suis en route " ou " J'arrive dans 5 minutes " – il suffit de partager sa position pour que l'autre voie instantanément votre progression sur la carte.

L'aspect sécurité personnelle est également mis en avant. Pouvoir être localisé en temps réel par une personne de confiance peut s'avérer rassurant dans certaines situations. Par exemple, lors d'un trajet nocturne à pied ou en taxi, on peut choisir de partager sa position avec un proche pour qu'il s'assure à distance que tout se passe bien. De même, lorsque l'on voyage seul, activer le suivi GPS en direct permet à un ami ou à son partenaire de vérifier que l'on est en sécurité tout au long du parcours. Cet usage " sentinelle " transforme le smartphone en ange-gardien virtuel : en cas de pépin ou de retard inquiétant, l'entourage est alerté plus rapidement de la position exacte où l'on se trouve. Il y a donc un côté rassurant et pratique indéniable à cette fonctionnalité, qui explique qu'elle ait pu séduire un large public dès son lancement.

Enfin, le partage de position se révèle commode pour la vie quotidienne. Retrouver des amis dans un parc, signaler à ses collègues l'heure prévue d'arrivée à une réunion, ou encore indiquer à son conjoint coincé dans les embouteillages où vous attendre – autant de petits tracas logistiques que la géolocalisation en temps réel simplifie. Dans un monde où l'on cherche à gagner du temps et à rester connecté, cette innovation de Google Maps s'inscrit parfaitement dans les nouveaux usages numériques orientés vers la convivialité et l'instantanéité.

Vie privée en jeu : une innovation qui inquiète aussi

Toutefois, tout le monde n'accueille pas cette évolution d'un bon œil. Très vite, des voix se sont élevées pour dénoncer le potentiel intrusif d'un tel outil. Certains utilisateurs, et plus encore les défenseurs de la vie privée, s'inquiètent du caractère invasif de cette fonctionnalité qui permet d'être suivi à la trace en permanence. Ils pointent le risque d'une atteinte à la vie privée : même si le partage est volontaire et contrôlé, il banalise l'idée que nos déplacements les plus anodins peuvent être constamment observés par autrui. Dans une société déjà marquée par la surveillance généralisée, voir Google faciliter ainsi le suivi des individus en temps réel a de quoi questionner.

Un autre sujet de préoccupation concerne l'exploitation des données ainsi collectées. En effet, en encourageant ses utilisateurs à activer la localisation en continu, Google se donne potentiellement accès à des millions de données de déplacements supplémentaires. Chaque trajet partagé, chaque position communiquée enrichit un peu plus les bases de données de la firme sur nos habitudes de vie, nos lieux fréquentés, nos horaires, etc. Bien que Google affirme ne pas activer par défaut cette fonction et laisser à chacun le choix de l'utiliser , la finalité de cette collecte massive interroge. Ces informations de géolocalisation en temps réel pourraient à terme servir à affiner encore le profilage publicitaire, ou tomber entre de mauvaises mains en cas de faille de sécurité. Les personnes soucieuses de leur vie privée voient donc dans ce service un trojan de plus dans notre intimité quotidienne, sous couvert de convivialité.

Par ailleurs, des spécialistes ont signalé une faille potentielle dans le mode de partage par lien. Si vous envoyez votre position via un lien à une personne, rien n'empêche que ce lien soit transféré à d'autres sans votre consentement. Un article spécialisé note par exemple que cette fonction " soulève immanquablement des inquiétudes en matière de confidentialité, car les liens [de localisation] peuvent aisément être copiés, collés et envoyés à d'autres personnes ". En d'autres termes, si le destinataire initial du lien le fait suivre, une tierce personne pourrait accéder à votre position en temps réel sans que vous en ayez conscience. Ce scénario met en lumière l'importance de ne partager sa géolocalisation qu'avec des personnes de confiance absolue, et de privilégier le partage direct (via les contacts Google) plutôt que par lien ouvert. Google Latitude, l'ancêtre de cette fonction, avait déjà été critiqué pour de possibles dérives de ce genre, et la prudence reste de mise avec sa version moderne.

Notons tout de même que Google a tenté de rassurer le public en soulignant que rien n'est automatique : la localisation en direct est entièrement opt-in, c'est-à-dire activée seulement si l'utilisateur le décide. Contrairement à d'autres fonctions peut-être imposées aux usagers, ici chacun garde la main sur l'outil. De plus, Google rappelle qu'il n'est pas le premier sur ce terrain et que cette fonctionnalité répond aussi à un mouvement général initié par d'autres plateformes (Facebook, Snapchat, WhatsApp, etc.). Cet argument – " tout le monde le fait " – ne dissipe pas toutes les craintes, mais il replace l'innovation dans un contexte plus large de normalisation du partage de la localisation. Reste que la question éthique demeure : jusqu'où accepterons-nous d'être géolocalisés en continu, même par ceux en qui nous avons confiance ?

De l'outil pratique à l'outil de contrôle : les dérives possibles

Le danger le plus souvent évoqué à propos de la géolocalisation en temps réel est celui d'une dérive vers la surveillance et le contrôle abusif. Un outil pensé au départ pour rassurer et rapprocher peut en effet être détourné en instrument de domination dans certaines relations. Par exemple, on peut imaginer le cas d'un partenaire jaloux ou possessif qui exigerait de son conjoint le partage permanent de sa position, sous prétexte de " transparence " dans le couple. Ce qui devait être un moyen ponctuel de se dépanner ou de se protéger devient alors une surveillance numérique du quotidien, où chacun de vos mouvements est scruté et potentiellement commenté. Plusieurs observateurs ont souligné que dans les mains d'une personne malintentionnée, la fonction " toujours partager sa position " pourrait servir à asseoir un pouvoir et un contrôle renforcé sur la victime. " Un abuseur pourrait utiliser la fonction de partage permanent pour exercer une domination étroite sur son partenaire ", alertait par exemple un commentateur étranger dès l'annonce de la nouveauté.

Du côté des experts en sécurité et des psychologues, on met en garde contre les effets pervers d'une telle fonctionnalité sur les relations humaines. Dans un couple sain, chacun a droit à un jardin secret et à une liberté de mouvement sans avoir à en rendre compte en temps réel. Instaurer une localisation constante peut traduire un manque de confiance et alimenter la jalousie maladive. Si la relation se détériore ou tourne mal, l'outil peut vite devenir " effrayant et mal utilisé : filature, espionnage, scènes de jalousie… ". Ce qui commence souvent par une bonne intention (se sentir en sécurité, se tenir informé) peut se transformer insidieusement en outil de surveillance compulsive. La personne suivie en vient à se sentir épiée en permanence, sans échappatoire possible, ce qui peut porter gravement atteinte à sa liberté individuelle et à son bien-être psychologique. Les associations d'aide aux victimes de violence conjugale rappellent d'ailleurs que le traçage numérique fait partie des techniques qu'emploient certains conjoints violents pour contrôler et isoler leur partenaire.

Au-delà du couple, d'autres dérives sont envisageables : un employeur pourrait tenter de savoir où se trouvent ses employés en dehors des heures de travail, un " ami " un peu trop curieux pourrait abuser de la confiance qu'on lui a donnée temporairement, etc. Le partage de position, mal encadré, peut ouvrir la porte à un espionnage sournois dans les sphères privée ou professionnelle. Autant de scénarios alarmants qui rappellent que chaque avancée technologique peut être utilisée à double tranchant, selon l'usage qu'en font les individus.

Face à ces risques, il est crucial de poser des limites claires. D'une part, chacun doit conserver la liberté de dire non à un partage de localisation s'il ne le sent pas, sans avoir à se justifier. D'autre part, si l'on consent à utiliser la fonction, il convient d'en doser l'usage : la déployer pour des situations ponctuelles (trajet exceptionnel, événement précis), mais éviter de l'activer en permanence. Il est également recommandé de désactiver le suivi dès qu'il n'est plus nécessaire, surtout si on avait initialement choisi une durée illimitée, afin de ne pas laisser la fenêtre ouverte inutilement sur sa vie privée. Ces bonnes pratiques sont essentielles pour prévenir les abus et garder le contrôle sur sa propre géolocalisation.

Conclusion : entre innovation utile et menace pour la vie privée

Le partage de position en temps réel sur Google Maps illustre parfaitement l'ambivalence des progrès technologiques contemporains. D'un côté, la fonctionnalité apporte une valeur ajoutée indéniable en termes de service : plus de praticité dans l'organisation quotidienne, un sentiment de sécurité accru dans certaines circonstances, et une nouvelle manière de rester connecté à ceux qui comptent pour nous. De l'autre, elle soulève de légitimes inquiétudes sur le respect de la vie privée et la possibilité de dérives vers la surveillance abusive. Suivre une personne en temps réel, même avec son accord, n'est pas un geste anodin – cela interroge notre rapport à l'intimité et à la confiance.

En permettant désormais à n'importe qui (ou presque) de suivre nos déplacements en direct, Google Maps a ouvert un débat de fond sur les limites à ne pas franchir. Jusqu'où voulons-nous être connectés et traçables ? L'innovation technologique doit-elle primer sur la préservation de notre sphère privée ? Chacun, en tant qu'utilisateur, se retrouve placé devant ses responsabilités : utiliser ces outils de géolocalisation de manière éclairée, en connaissance des risques et en posant ses propres garde-fous. Comme souvent, la clé réside dans l'équilibre et la modération. Partager sa position peut rendre de fiers services, à condition de le faire avec parcimonie et avec les bonnes personnes, et de garder à l'esprit que l'on ne doit pas tout sacrifier sur l'autel de la commodité numérique.

En somme, l'arrivée du suivi en temps réel sur Google Maps en 2017 a marqué une étape symbolique de plus dans l'ère du tout-connecté. Cette fonctionnalité, à la croisée de l'utile et du problématique, nous rappelle que la technologie n'est jamais neutre : c'est à nous d'en faire un outil d'entraide et de sécurité, et non le vecteur insidieux d'une nouvelle forme de Big Brother au quotidien. Le débat reste ouvert, mais une chose est sûre – mieux vaut réfléchir à deux fois avant de cliquer sur " Partager ma position ".

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