Le Congrès pourrait interdire Deepseek

DeepSeek : le Congrès américain pourrait l’interdire et voici ce que cela changerait en 2025

Avatar de Maxence
DeepSeek : pourquoi le Congrès américain envisage de l’interdire, ce que dit le projet de loi Hawley et ce que cela changerait pour les utilisateurs aux US.

Le nom de DeepSeek est sur toutes les lèvres. En quelques semaines, cet assistant d’IA venu de Chine a bousculé l’écosystème, grimpé en tête de l’App Store américain devant les ténors du marché, et déclenché une réaction politique d’une rare intensité à Washington. Résultat : un projet de loi fédéral, déposé par le sénateur Josh Hawley, ouvre la porte à une interdiction de DeepSeek aux États-Unis, avec à la clé des sanctions pénales et financières très lourdes pour quiconque “favoriserait” l’IA chinoise. Cette offensive pose une question simple mais brûlante : qu’est-ce que cela changerait concrètement pour les utilisateurs, les entreprises, les développeurs et, plus largement, pour l’innovation en IA de part et d’autre du Pacifique ?

Pourquoi DeepSeek est au cœur du débat

DeepSeek n’est pas un simple clone opportuniste. Sa montée en puissance a été fulgurante : en janvier, l’application a devancé ChatGPT dans le classement des applis gratuites de l’App Store aux États-Unis, symbole d’un intérêt massif du grand public pour une alternative perçue comme rapide, efficace et très bon marché. Cette percée s’est doublée d’un signal de marché : la capacité de DeepSeek à rivaliser à une fraction des coûts a ébranlé la confiance dans le modèle économique des géants occidentaux de l’IA.

Une ascension express sur mobile

L’ascension de DeepSeek sur mobile n’a pas été anecdotique. Voir une application d’IA chinoise s’installer au sommet de l’App Store américain a déclenché une prise de conscience : l’hégémonie technologique n’est pas gravée dans le marbre. Pour les utilisateurs, cela s’est traduit par un essai massif de DeepSeek, souvent par curiosité, parfois par conviction que l’outil “raisonne” différemment. Pour les décideurs politiques, c’est apparu comme un risque potentiel de fuite de données et d’influence étrangère, surtout quand un service numérique est conçu et opéré depuis une juridiction jugée hostile.

Un modèle ouvert qui inquiète

Autre ingrédient qui alimente le débat : une partie de l’écosystème DeepSeek revendique l’ouverture de modèles et d’outils, ce qui permet à des développeurs du monde entier de les intégrer dans leurs produits. Pour les défenseurs de l’open source, c’est un accélérateur d’innovation ; pour les législateurs américains, c’est une voie de diffusion rapide et difficile à contrôler d’une technologie jugée sensible lorsqu’elle est pilotée depuis la Chine. D’où l’idée d’un “découplage” volontaire, qui passerait par des restrictions d’import/export et par des interdictions de collaboration et d’investissement.

Ce que prévoit le projet de loi Hawley

Le texte proposé par le sénateur Hawley s’intitule “Decoupling America’s Artificial Intelligence Capabilities from China Act of 2025”. C’est un projet très large : il vise l’importation de technologie d’IA en provenance de Chine, l’exportation de technologie américaine vers la Chine, mais aussi la recherche, le développement, la collaboration ou même le financement qui pourrait “faire progresser” des capacités d’IA au sein de la République populaire de Chine. Dit autrement, la cible n’est pas uniquement DeepSeek, mais DeepSeek est l’exemple concret qui catalyse l’initiative.

Interdictions d’import et d’export

Le texte pose deux interdictions structurantes. D’abord, l’importation aux États-Unis de technologie ou de propriété intellectuelle d’IA “développée ou produite en Chine” deviendrait illégale après un délai d’entrée en vigueur. Ensuite, l’exportation, la réexportation ou les transferts in-country de technologie d’IA depuis les États-Unis vers la Chine seraient aussi prohibés. Cela dessine un cordon sanitaire juridique autour de l’IA entre les deux pays, bien au-delà du seul cas DeepSeek. 

Peines encourues : des sanctions pénales et financières lourdes

Le volet pénal s’aligne sur le régime de l’Export Control Reform Act (ECRA) : en cas de violation volontaire, une personne physique peut encourir jusqu’à 20 ans de prison et une amende pouvant aller jusqu’à 1 million de dollars par infraction. Les entreprises s’exposent à des amendes encore plus élevées en civil, pouvant atteindre 100 millions de dollars, assorties de confiscations et d’exclusions de marchés publics. Au plan administratif, des interdictions d’export et des retraits d’autorisations peuvent s’ajouter. C’est un arsenal dissuasif pensé pour tarir les flux technologiques bilatéraux d’IA.

Recherche, collaboration, investissements : un périmètre très large

Le texte ne s’arrête pas aux flux de technologie. Il encadre la recherche et le développement “dans, pour le compte de, ou en collaboration avec” des entités chinoises de préoccupation, et interdit aussi, à terme, de détenir des intérêts ou de financer des entités chinoises d’IA associées à la fusion civilo-militaire, à la surveillance ou à des abus des droits humains. Autrement dit, un laboratoire, une startup, un fournisseur de cloud ou un fonds américain pourraient tomber sous le coup de la loi s’ils contribuent à des capacités d’IA en Chine, même indirectement.

DeepSeek aujourd’hui : usage, restrictions et controverses

Pour comprendre ce que changerait une interdiction, il faut d’abord regarder l’état des lieux. Aux États-Unis, plusieurs administrations ont déjà édicté des restrictions ciblées sur DeepSeek en invoquant la sécurité des systèmes et la sensibilité des données. Le Texas a, par exemple, banni DeepSeek et d’autres applications chinoises des appareils et réseaux de l’État. Des entités fédérales et des composantes militaires ont publié des consignes similaires de non-usage, par principe de précaution. Ces décisions n’équivalent pas à une interdiction nationale pour le grand public, mais elles montrent la direction prise par les autorités.

Dans le même temps, DeepSeek a connu des accrocs en matière de sécurité. Fin janvier, des chercheurs ont mis en évidence une base de données non protégée exposant des journaux, des historiques de conversation et des informations techniques sensibles. L’incident a été corrigé rapidement, mais il a alimenté le débat sur la maturité sécurité du service et sur les risques associés à la centralisation de données d’utilisateurs.

Enfin, la controverse s’est aussi déplacée sur le terrain de la propriété intellectuelle : OpenAI a déclaré disposer d’indices selon lesquels des modèles de DeepSeek auraient été entraînés, au moins en partie, par distillation à partir de ses propres systèmes, ce que DeepSeek conteste. La question n’est pas tranchée publiquement, mais elle nourrit l’idée que l’ascension de DeepSeek s’appuie sur des briques issues d’acteurs américains.

Qui serait réellement visé par une interdiction fédérale ?

Une confusion revient souvent : une telle loi punirait-elle l’utilisateur lambda qui télécharge DeepSeek sur son iPhone ? Techniquement, le texte renvoie aux pénalités de l’ECRA pour toute violation volontaire des interdictions d’import/export, et il crée des délits autour de la R&D et des transferts d’informations. La cible primaire reste toutefois les développeurs, distributeurs, hébergeurs, intégrateurs et financeurs, c’est-à-dire les acteurs qui faciliteraient matériellement l’accès à la technologie en provenance de Chine ou contribueraient à l’améliorer sur le sol chinois. En pratique, si le texte devenait loi, l’effet le plus visible pour le grand public serait la disparition de DeepSeek des boutiques d’applications américaines et le blocage de ses services sur des réseaux institutionnels, plus qu’une “chasse” à l’utilisateur individuel.

DeepSeek et les App Stores : ce qui pourrait se passer

Les plateformes comme Apple et Google appliquent déjà des exigences strictes en matière de conformité légale. Si l’import de technologie d’IA chinoise devenait illégal, héberger ou distribuer l’application DeepSeek sur des stores américains exposerait les plateformes à des risques juridiques immédiats. Les précédents abondent avec d’autres catégories d’applications lorsqu’un cadre légal se durcit : retrait de l’application, blocage géographique, puis retrait des SDK/API associés. DeepSeek ne ferait pas exception et l’appli serait vraisemblablement déréférencée pour les comptes américains.

L’angle “open source” : cas particulier, gros effets

DeepSeek a popularisé des ressources techniques qui circulent vite. Si des poids de modèles, des API ou des forks communautaires s’échangent librement, une interdiction qui vise l’importation de “technologie ou propriété intellectuelle d’IA développée en Chine” créerait un champ d’application délicat. Un développeur américain qui télécharge, adapte ou héberge une variante de DeepSeek pourrait, selon le périmètre retenu par les régulateurs, se retrouver en infraction. C’est précisément ce que redoutent de nombreuses voix académiques et industrielles : une loi trop large pourrait entraver la recherche ouverte et pousser les entreprises américaines à l’hermétisme, au détriment de la transparence et de la sécurité collectives.

Ce que cela changerait pour les utilisateurs

Pour un utilisateur américain, l’interdiction de DeepSeek se traduirait d’abord par l’indisponibilité de l’application sur les stores officiels et par des blocages possibles au niveau réseau (opérateurs, organisations, lieux publics). Les comptes existants pourraient être résiliés ou inopérants, l’authentification échouant depuis des adresses IP américaines. Les sauvegardes locales ou les historiques synchronisés deviendraient inexploitables, faute d’accès au service. Pour les passionnés d’IA qui utilisent DeepSeek comme “second avis” ou comme outil d’exploration, il faudrait migrer vers des alternatives non-chinoises.

Côté données, l’un des bénéfices collatéraux avancés par les partisans de l’interdiction est de limiter le transfert d’informations vers des serveurs soumis au droit chinois. Des analyses indépendantes ont d’ailleurs souligné l’ampleur des données collectées par DeepSeek et la possibilité, relevée dans sa politique de confidentialité, de traiter des signaux comme les historiques et des métadonnées riches. Ajoutez à cela l’épisode de la base exposée en janvier et l’argument sécuritaire prend du poids aux yeux des décideurs.

Ce que cela changerait pour les entreprises

Pour une entreprise américaine, la principale conséquence serait la nécessité d’auditer rapidement ses usages directs et indirects de DeepSeek. Est-ce qu’un département a testé l’outil ? Est-ce qu’un fournisseur intègre DeepSeek dans un produit en marque blanche ? Est-ce qu’un script interne appelle une API DeepSeek pour des opérations ponctuelles ? Si oui, tout cela devrait être arrêté, migré ou neutralisé.

Deuxième chantier : la chaîne d’approvisionnement logicielle. Dans un monde où les équipes Dev et Data s’appuient sur une mosaïque d’API, de bibliothèques et de modèles, il faut cartographier les dépendances pour s’assurer qu’aucune brique ne repose sur DeepSeek, même en aval chez un sous-traitant. Des clauses contractuelles spécifiques devraient être ajoutées pour interdire explicitement l’usage de modèles chinois là où la loi l’exigerait.

Troisième point, la conformité export. Le texte Hawley renvoie aux pénalités ECRA en cas de viol volontaire : jusqu’à 20 ans de prison pour les individus et de lourdes amendes pour les entreprises, avec confiscations et exclusions de contrats publics. Pour les directions juridiques et conformité, c’est un message clair : documenter, tracer, vérifier et, si besoin, désactiver proactivement tout recours à DeepSeek.

Et pour les développeurs, chercheurs et investisseurs ?

Pour les développeurs, la zone grise la plus sensible est celle des modèles et ressources “ouvertes” liées à DeepSeek. Télécharger, fine-tuner, héberger, intégrer : demain, certaines de ces actions pourraient constituer un “import” de technologie d’IA développée en Chine, donc tomber sous le coup de la loi. Dès lors, la discipline opérationnelle deviendrait indispensable : journaliser l’origine des modèles, vérifier les licences, privilégier des modèles non chinois, et mettre en place des garde-fous pour bloquer l’arrivée de modèles proscrits dans les environnements de production.

Pour les chercheurs, c’est la question de la collaboration internationale qui se pose. Des universités et des laboratoires américains pourraient voir leurs échanges avec des institutions chinoises devenir inenvisageables, y compris pour des publications, ateliers ou partages de jeux de données. Des experts alertent déjà : un tel cadre risque de refroidir la recherche ouverte et de priver la communauté de relectures, de réplications et de vérifications croisées essentielles à la robustesse scientifique.

Pour les investisseurs, enfin, la perspective est limpide : le texte prévoit d’interdire, à terme, la détention d’intérêts ou l’octroi de financements à des entités chinoises d’IA considérées à risque. Les fonds américains devraient donc revoir leur exposition, y compris indirecte, et désinvestir des participations incompatibles, sous peine de sanctions civiles substantielles.

Les arguments des partisans de l’interdiction

Les tenants d’une ligne dure affirment que “chaque dollar et chaque gigaoctet de données” qui alimente l’IA chinoise finira par être utilisé contre les intérêts américains. La logique est géopolitique : l’IA devient un actif stratégique ; réduire les échanges technologiques avec la Chine, DeepSeek inclus, limiterait les transferts de savoir-faire, de données et d’innovations. Le cadre légal proposé vise à rendre coûteuse, voire impossible, toute coopération qui renforcerait l’écosystème d’IA chinois, qu’elle soit assumée ou “par capillarité” via l’open source et les intégrations.

Les critiques : innovation bridée, science sous cloche

Face à cela, les critiques redoutent un effet boomerang. D’abord parce qu’une interdiction large ne supprime pas la technologie visée : elle la contourne. Les chercheurs américains, privés d’accès à DeepSeek dans des conditions encadrées, perdraient des occasions d’audit, de test comparatif et de compréhension des mécanismes d’un compétiteur influent. Ensuite, parce que la porosité de l’open source rend illusoire un cloisonnement absolu : bloquer, c’est aussi inciter à opacifier. Des juristes et spécialistes de gouvernance de l’IA estiment qu’un tel dispositif pourrait, paradoxalement, fragiliser l’avance américaine en innovation en fermant des portes qui, jusqu’ici, rendaient l’écosystème plus dynamique et plus sûr.

Sécurité, vie privée et conformité : ce que DeepSeek doit encore prouver

Au-delà de la géopolitique, DeepSeek porte un fardeau d’exemplarité. Des révélations sur une base de données exposée, même brièvement, et une politique de confidentialité jugée très large alimentent les doutes. Le service doit démontrer des garanties robustes : minimisation des données, stockage chiffré, cloisonnement des environnements, suppression contrôlée, traçabilité des accès, et, sujet sensible, capacité à résister aux injonctions étatiques contraires à la protection des utilisateurs étrangers. Tant que ces points resteront flous, les États et organisations prudents considéreront DeepSeek comme un risque difficile à justifier.

Scénarios possibles pour les prochains mois

1) Le projet de loi est adopté sans dilution

Dans ce scénario, l’écosystème américain bascule sur une logique de “liste noire” implicite : DeepSeek disparaît des app stores et des SI gouvernementaux, et les entreprises déclenchent des plans de retrait. Les équipes produit migrent vers des modèles non chinois ; les DSI mettent en place des filtres ; les juristes outillent la preuve de conformité. Le message est clair : DeepSeek n’a plus sa place dans les flux numériques américains réguliers.

2) Le texte est amendé et vise prioritairement l’appareil d’État

Le Congrès pourrait restreindre l’application aux appareils et réseaux publics, aux sous-traitants fédéraux, et aux environnements critiques. DeepSeek resterait accessible au grand public mais fortement découragé. Dans les faits, beaucoup d’organisations privées s’aligneraient par prudence, surtout dans les secteurs régulés.

3) Pas de loi, mais un durcissement réglementaire

Même sans loi, l’exécutif peut durcir l’application de l’ECRA et des règles d’export sur les composants, les modèles et les poids de modèles. Les agences pourraient multiplier les directives internes, et les États fédérés continuer à bannir DeepSeek des parcs publics, comme l’a fait le Texas. Le résultat serait un “gel” de facto de DeepSeek dans les usages professionnels.

Bonnes pratiques si vous utilisez encore DeepSeek aujourd’hui

En attendant une clarification législative, la prudence s’impose. Si vous faites partie d’une organisation américaine :

  1. Cartographiez vos usages de DeepSeek (appli, API, intégrations tierces).
  2. Figez les expérimentations en production et basculez sur des modèles non chinois si un usage business critique dépend de DeepSeek.
  3. Mettez à jour vos politiques d’achat logiciel et vos clauses fournisseurs en interdisant explicitement DeepSeek là où nécessaire.
  4. Ajoutez des contrôles réseau (filtrage DNS/IP) pour éviter des appels API non souhaités.
  5. Évaluez vos risques juridiques au regard de l’ECRA et préparez un plan de retrait documenté.

Enjeux plus larges : souveraineté, concurrence, transparence

La controverse autour de DeepSeek révèle une tension structurelle. D’un côté, la souveraineté numérique : protéger les données, maîtriser les chaînes d’approvisionnement, limiter les dépendances stratégiques. De l’autre, la fertilité de la concurrence et de la recherche ouverte, moteurs d’un progrès plus rapide et, idéalement, plus sûr. Quel que soit le sort de DeepSeek aux États-Unis, cette tension perdurera. La vraie difficulté n’est pas d’interdire ou d’autoriser en bloc, mais de bâtir un cadre fin, proportionné, qui protège sans étouffer.

En clair, DeepSeek a mis le feu aux poudres. Son succès fulgurant a heurté des certitudes, ses choix techniques et sa gouvernance suscitent des réserves, et son origine a réveillé des réflexes de sécurité nationale. Si le Congrès allait au bout, l’interdiction de DeepSeek serait un virage historique : elle redessinerait la carte des partenariats de recherche, imposerait aux entreprises des audits de conformité serrés, et accélérerait la course à des alternatives “locales” ou alliées. À l’inverse, un statu quo sous haute surveillance pousserait DeepSeek à prouver qu’il peut gagner la confiance par la transparence et la sécurité, deux qualités que le marché, comme le législateur, scrutera désormais sans relâche.

Previous Post
A
Avatar de Maxence

Un anime «Warcarten Wars» est en préparation, selon les rumeurs

Next Post
The
Avatar de Maxence

Le «classement des rois» est enfin de retour après près de deux ans

Related Posts