Je me souviens encore du moment où j’ai vu pour la première fois une vidéo montrant une arme à feu imprimé en 3D. À l’époque, je trouvais l’idée presque irréaliste. Aujourd’hui, ce phénomène est bien réel, et il ne cesse de faire parler de lui, notamment en Europe où sa simple possession est strictement interdite. Pourtant, aux États-Unis, c’est devenu un hobby pour certains passionnés. Et ce que j’ai découvert sur le sujet est aussi fascinant qu’inquiétant.
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L’impression 3D : genèse d’une révolution technologique

Avant de parler d’armes, il faut comprendre d’où vient l’impression 3D. Apparue dans les années 2000, cette technologie permet de créer des objets physiques à partir de plastique, métal ou céramique, couche après couche. Elle a d’abord été réservée à l’industrie, mais tout change en 2005 avec le projet RepRap, une imprimante 3D open source capable de fabriquer ses propres composants. C’est ainsi qu’est née la culture « maker ».
Cette démocratisation a ouvert la porte à toutes sortes de créations. Et très vite, l’univers des armes à feu s’y est intéressé.
La naissance des armes à feu imprimées en 3D
En 2013, un nom retentit : Cody Wilson. Ce militant américain publie en ligne les plans du Liberator, la première arme à feu imprimé en 3D. En seulement 48 heures, les fichiers sont téléchargés plus de 100 000 fois. Le gouvernement américain réagit rapidement et demande le retrait des fichiers.
Le Liberator est rudimentaire, entièrement en plastique à l’exception d’un clou servant de percuteur. Elle est difficile à détecter, sans numéro de série, et donc impossible à tracer : une arme fantôme.
Depuis, des modèles bien plus avancés ont vu le jour. Le plus marquant est sans doute le FGC-9, un pistolet semi-automatique créé par un activiste allemand sous le pseudonyme Jay Stark. Ce modèle est aujourd’hui le plus saisi en Europe.
Une technologie accessible… et risquée
Ce qui m’a le plus surpris en rencontrant un passionné d’armes imprimées, c’est la simplicité du matériel nécessaire. Une petite imprimante à 300 dollars, quelques outils basiques, un fichier téléchargé en ligne… et en quelques jours, une arme est prête à être assemblée.
Aux États-Unis, dans certains États, c’est légal. Mon interlocuteur avait même un stand de tir privé pour tester ses créations. Il m’a montré un MP5 imprimé en 3D, partiellement métallique pour la solidité, mais incroyablement léger. Il m’a aussi expliqué que certaines pièces cruciales (comme le percuteur) ne sont pas imprimées pour des raisons de sécurité – et de légalité.
Mais le plus marquant, c’est l’aspect communautaire. Les passionnés partagent constamment de nouveaux plans et designs. Ce n’est pas juste un loisir, c’est un véritable mouvement open source. Un mouvement qui pose inévitablement des questions.
Les ghost guns : un casse-tête pour les autorités

Les armes imprimées en 3D sont souvent appelées ghost guns parce qu’elles sont non traçables, sans numéro de série, et parfois indétectables aux portiques. Cela représente un vrai casse-tête pour les forces de l’ordre.
En Europe, elles sont strictement interdites, et pourtant, on en trouve de plus en plus lors d’opérations policières. En Espagne, en Finlande ou encore aux Pays-Bas, des laboratoires clandestins ont été démantelés. Dans certains cas, on parle carrément de trafic.
Et même si leur utilisation reste marginale, certaines armes imprimées ont été retrouvées sur des scènes de crime. L’exemple récent d’un assassinat en pleine rue à New York avec une arme hybride en est la preuve.
Trois types d’armes à feu imprimées en 3D
Les experts classent ces armes en trois catégories :
- Entièrement imprimées : tout est en plastique, sauf parfois le percuteur.
- Hybrides : une partie est imprimée, l’autre composée de pièces métalliques du commerce.
- Parts Kit Completions (PKC) : seule la carcasse est imprimée, le reste provient d’une arme conventionnelle.
Les armes totalement en plastique ont une durabilité très limitée et peuvent même exploser après un seul tir. J’ai vu de mes propres yeux un Libérator éclaté après une seule détonation.
Des risques pour les amateurs eux-mêmes

L’un des dangers les plus souvent évoqués par les chercheurs n’est pas seulement criminel. Beaucoup d’amateurs curieux, attirés par l’ingéniosité du concept, essaient d’imprimer des armes juste pour voir si ça marche. Et c’est là que réside un autre problème : ces armes sont souvent instables et dangereuses… pour l’utilisateur lui-même.
En Suisse, à l’école des sciences criminelles de Lausanne, les chercheurs étudient ces armes depuis plusieurs années. Leur objectif est double : comprendre leur fonctionnement et analyser les traces qu’elles laissent sur les scènes de crime. Leurs conclusions sont claires : ces armes sont réelles, fonctionnelles, et représentent un défi croissant pour les enquêtes criminelles.
Les fabricants d’imprimantes 3D s’inquiètent
Face à l’évolution du phénomène, certaines entreprises d’impression 3D ont décidé d’agir. En 2019, une marque bien connue a lancé une campagne intitulée « les armes inoffensives ». Elle a modifié son logiciel de préparation d’impression pour empêcher la fabrication de la plupart des armes connues. Malgré cela, des contournements existent toujours.
Il est aujourd’hui possible de télécharger en quelques clics les plans d’une arme à feu imprimé en 3D, et de la construire à la maison. Ce qui était autrefois de la science-fiction est devenu une réalité, avec toutes les implications que cela entraîne.
Une réponse politique et législative encore floue
Les institutions européennes ont commencé à prendre le sujet au sérieux. Des discussions sont en cours aux Nations Unies, notamment sur la nécessité d’harmoniser la législation au niveau international. Une coopération avec les fabricants d’imprimantes 3D est également engagée pour anticiper les dérives.
Mais le vrai défi réside dans la prévention. Plus la technologie se démocratise, plus la tentation sera grande. Et plus il sera difficile d’identifier ceux qui passent à l’acte.
Conclusion : entre fascination et vigilance
Ce que je retiens de cette plongée dans l’univers des arme à feu imprimé en 3D, c’est l’ambivalence permanente. Il y a la fascination technologique, le génie des passionnés, la satisfaction de créer quelque chose de ses mains. Mais il y a aussi la crainte bien réelle d’un dévoiement, d’un usage malveillant, d’une banalisation de l’arme à feu.
Loin de moi l’idée de diaboliser l’impression 3D, bien au contraire. Mais il me semble essentiel que chacun comprenne les enjeux qui entourent ces armes, et que les États prennent conscience de la vitesse à laquelle évolue cette technologie.
Alors, la prochaine fois que vous entendrez parler d’une arme à feu imprimé en 3D, souvenez-vous qu’il ne s’agit pas d’un gadget de science-fiction. C’est une réalité complexe, qui mérite réflexion, éducation et surveillance.